Servante (La)
Staff
Un film de Kim Ki-yung
Un professeur de piano embauche une servante, parce que sa femme enceinte n'a plus la force de s'occuper de tout à la maison. Il va avoir une liaison avec elle. C'est le début d'une lente descente aux enfers pour toute la famille.
Avis
"La servante (Hanyo) date de 1960. Il est sorti dans nos contrées en 2012. Ceci a été rendu possible par la restauration du film au début des années 2000. Le jeu en valait-il la chandelle, ou bien aurait-il fallu laisser le film dans le silence ?
Un professeur de piano embauche une servante, parce que sa femme enceinte n'a plus la force de s'occuper de tout à la maison. Il va avoir une liaison avec elle. C'est le début d'une lente descente aux enfers pour toute la famille. On peut alors se demander s'il s'agit d'une apologie de l'indépendance des femmes, ou d'une défense inconditionnelle du patriarcat.
Cette servante, qui est présentée par son amie comme étant un peu simplette, fume, tiens le couteau comme une arme, n'a pas peur des rats, et est prête à tout pour coucher avec cet homme qui l'attire. Elle a pu rentrer en relation avec le prof parce qu'elle travaille à l'usine. Elle n'a donc pas du tout le profil de la femme au foyer soumise. Son problème, c'est qu'elle va se heurter aux bonnes moeurs et au qu'en dira-t-on. Mais de quel côté le réalisateur va-t-il se placer ?
On peut déjà souligner l'aspect universalisant du titre. Il ne s'agit pas du sort tragique de Mlle Ho, mais de La servante comme catégorie générale. Cette bonne, est-elle le mal ?
L'épilogue est assez clair, en réponse à l'ouverture du film : le film commence par une discussion entre un homme et une femme, qui lisent le journal. Ils apprennent qu'il y a eu une histoire entre un homme marié et sa servante. Par un travelling sur le côté et un fondu au noir, on enchaîne sur l'histoire en question. Le film fini par un retour à ces personnages. On découvre que ce sont les mêmes acteurs que durant le film, dans la même salle. Ce qu'on croyait éloigné géographiquement est en fait tout proche : on est tous pareils. Là aussi il y a une volonté de généraliser le propos.
Or quels sont les propos conclusifs du film : Tous les mecs, surtout quand ils vieillissent ont potentiellement envie de se taper des petites jeunes. La femme complète : employer une petite jeune, c'est mettre un loup dans la bergerie. Ca pourrait faire éclater l'édifice de la famille. Les hommes sont faibles, les jeunes femmes sont responsables (c'est aussi ce qu'on dit en cas de viol non ? C'est la faute de la femme, elle n'avait pas à...).
Le réalisateur insiste plusieurs fois sur le manque d'argent du professeur, qui de locataire, a fait construire sa propre maison. Quand les choses vont mal, il accuse sa femme de les faire vivre au dessus de leurs moyens, du coup tous deux sont obligés de bosser comme des malades pour joindre les deux bouts. Mais comme leur maison est grande et qu'ils n'ont pas de temps, ils ont dû en plus prendre une servante, ce qui les a conduit à l'implosion de leur famille. Bref ils auraient dû rester à leur place, modeste
Contre l'impossibilité d'avorter légalement, de divorcer, d'avoir une maîtresse, d'exprimer en société qui ont est sinon c'est la honte, le réalisateur montre qu'on a le choix entre tuer, être tué, ou se suicider. Tromper sa femme mène à la ruine de la famille, voire de la société. Donc mieux vaut que l'individu disparaisse plutôt que la société change.
Est-ce que le réalisateur critique les choix des personnages, montre leur absurdité, ou les partage-t-il ? Au vu du poids de la censure de l'époque, si le film avait déplu aux autorités militaires en place, le film n'aurait jamais vu le jour. Comme l'ensemble du genre dominant de l'époque, le mélodrame, le film alimente le fatalisme : notre situation est merdique, mais on n'y peut rien. On remarquera que tous les personnages qui se sont mal comportés seront punis de mort...
Une scène est assez révélatrice de la situation politique de l'époque : L'intrigue commence alors que des ouvrières viennent de finir le travail dans une usine textile. Dans les vestiaires, l'une d'entre elle s'exclame : "le travail nous épuise, à quoi bon vivre ?" Sa proposition révolutionnaire pour mettre un terme à l'exploitation capitaliste ? Aller au cours de chant... fourni par l'usine !
La mise en scène est assez forte, au sens où aucun détail n'est laissé au hasard par le réalisateur et son équipe : la disposition des pièces de la maison, la façon dont les acteurs sont filmés, le jeu qui est très convainquant, la mise en parallèle qui est faite entre l'apparition de rats dans la maison et l'arrivée de la servante, les enfants qui nouent et dénouent des films (du destin ?) durant l'opening.
En bonus, 15 à 20 réalisateurs et réalisatrices nous expliquent les liens qu'ils ont pu avoir avec le réalisateur dans '' Deux ou trois choses que je sais de Kim Ki-young'' (48 minutes). Globalement, c'était un homme bourru, cinéphile, génial, et une source d'inspiration. On apprend par ailleurs qu'il a réalisé au moins deux remakes de La servante, sous le titre La femme de feu (Hwanyeo), en 1971 et 1982. Ca peut être intéressant à voir, afin de cerner les changements qui s'opèrent, d'une décennie à l'autre. Est-ce que ça suit l'évolution de la société, ou au contraire celle-ci est-elle figée et le script original sonne-t-il toujours juste ?
En bonus également, une mise en parallèle de plusieurs scènes du film, avant/après la restauration. Ce n'est pas très palpitant.
Assurément La servante est un grand film, qui distille une atmosphère inquiétante tout du long. Malgré les changements réguliers de rapport de force à l'intérieur du triangle des personnages, je ne l'ai pourtant pas trouvé très palpitant. Ici, Kim Ki-young est révolutionnaire dans sa mise en scène, réactionnaire dans son propos."
Docteur Spider, vu deux fois, 06/04/13
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