Steel Ball Run

Voilà un manga que j’étais particulièrement intriguée d’explorer. Il s’agit d’une nouvelle voie du manga phare de l’auteur, JoJo's Bizarre Adventure, qui se veut à la fois comme une œuvre à part entière, une refonte intégrale de la partie 1 Phantom Blood et son septième segment.

Initialement, ce manga ne portait pas le titre de Jojo’s Bizarre Adventure Partie 7, attestant de la volonté d’un nouveau départ, malgré le lien avec l’œuvre précédente. C’est en passant un an après le début de sa prépublication dans un magazine seinen, car jugé trop adulte pour un lectorat jeune —  changement logique qui s’amorçait déjà dans la partie précédente, Stone Ocean, plus adulte par certains aspects — qu’elle s’est vue rattachée formellement à la saga des JJBA. Pour une raison marketing, afin que les lecteurs de l’Ultra Jump sachent à quoi s’attendre ? Cela se justifie toutefois, puisque l’auteur l’a pensé dès le début en tant que telle, bien qu’il ait tenu à ne pas le spécifier officiellement pour ne pas repousser les lecteurs néophytes. Tonkam aura choisi de respecter cette caractéristique pour cette édition française, ce qui j’approuve.

La première chose qui frappe demeure son histoire qui n’a plus rien à avoir avec les précédentes structures narratives classiques. Il ne s’agit pas du combat d’un héros et ses compagnons contre un antagoniste principal, schéma classique des shonen. On suit une géante course hippique cross-country de la côte Pacifique à la côté Atlantique, dans une ambiance Far West. Cela dit l'ambiance s'annonce plus Grand National de Liverpool, aux participants ultra nombreux qui se compteront sur les doigts d'une main à l'arrivée!

Le premier tome place en vedette non pas le "JoJo", personnage principal de la saga au nom commençant toujours pas "Jo", mais celui censé être l’un de ses compagnons principaux. Gyro Zeppeli (La vraie orthographe est Gyro, Jayro est une transcription phonétique issue de la traduction nord-américaine, j'imagine que Tonkam a voulu s'aligner sur eux), mystérieux et solitaire, à la fois balèze et superfun, dégage une grosse grosse classe, tandis que Johnny nous est présenté comme un sale gosse égoïste, typiquement le genre de personnage secondaire qui se verrait corriger par un héros de manga. Premier choix scénaristique surprenant. Ensuite, ce Johnny a payé le prix très cher de son insolence passée par la perte de l’usage de ses jambes ! En plus d’un anti-héros, Araki choisit comme protagoniste un personnage handicapé ! Son évolution au contact de Gyro se révèle très intéressante, restant toujours un personnage que l’on aime et que l’on déteste à la fois (voir les différents avis selon les tomes). Parmi les autres figures emblématiques présentée, bien sûr Diego Brando, petit prodige anglais de l’équitation. Bien que totalement inédite, par rapport à JJBA, l’histoire de Steel Ball Run rappelle un peu les rapports qu’entretenaient leurs alter-ego de Phantom Blood, entre Johnny qui a tout à (ré)apprendre, Gyro figure de modèle pour lui, Diego potentiel rival de Johnny. Sauf que dans cette course, tous sont en concurrence, les choses ne seront donc pas aussi simples ! De nombreux nouveau personnages feront leur apparition par la suite, issus des partie 2 (Battle Tendecy), 3 (Stardust Crusaders) et 4 (Diamond is unbreakable), tout comme beaucoup de nouveaux fort heureusement.  Steel Ball Run reprend à la fois le concept de Stands, esprits combatifs dotés de pouvoirs surnaturels et rattachés à une personne ainsi que l’onde devenue ici la rotation. À nouveau, le manga redouble d’ingéniosité dans les scènes d’action, que ce soit pour la course et les combats qui surviendront par la suite. On se régale tout autant avec ce manga niveau inventivité dans les affrontements.

L’histoire se révèle passionnante et créative, avec ses personnages hyper variés et fouillés, ses problématiques qui nous interpellent et nous captivent continuellement, en fonction des motivations de chaque personnage. Comme évoqué précédemment, le manga ne se place dans une optique gentils contre méchants, sachant que la remise en question des objectifs et moyens pour y parvenir existe parmi les héros. Araki réinterprète beaucoup d’ingrédients de son manga précédemment, tout en en apportant des nouveaux super intéressants. Cependant, tant de potentiel demeure peu exploité, voire passé à la trappe:

Niveau dessin, nous restons dans la continuité par rapport à la Stone Ocean (partie 6 de JJBA). Le dessin demeure d’excellente qualité, avec des compositions de page plus limpide à la lecture. Le dessin des chevaux est bon dans l’ensemble, avec une musculature exacerbée. Le character design est comme d’habitude marquant dès le début. Certaines physionomies cependant commencent à se ressembler un peu trop, je pense notamment à Sandman et sa sœur, dont le physique ne fait vraiment pas indien et au visage archétypé des personnages de l’auteur. Pourtant on sait très bien que ce n’est pas manque de capacités, les autres indiens ont un physique plus typé et beaucoup de ses personnages parmi les secondaires ont une physionomie unique et très travaillée. À nouveau, vers la moitié du manga, on décèle une évolution du dessin de l’auteur, qui s’affine considérablement. Je ne sais quel événement a déclenché en lui une telle évolution de style, mais son trait devient particulièrement élégant. La revers de la médaille est que par la suite, ses personnages deviennent trop maniérés, ont tendance à s’uniformiser niveau visage et perdent souvent le mordant de leur regard. À nouveau, c'est à mi-parcours dans les tomes que l’auteur arrive au sommet de son art, combinant ce trait beaucoup plus fin, tout en conservant son expressivité.

Ce manga s’avère à la fois classique que connaît JJBA, à la fois bouleversante car loin de n’être qu'un remake de la partie 1, Steel Ball Run constitue bien davantage un reboot total du manga précédent, où bien des éléments sont revisités de manière différente et des plus intéressante. Son scenario tranche aussi avec ce que l’on a pu lire précédemment. On peut regretter bon nombre d’élements introduits ou suggérés tout au long du manga se fassent écartés en cours de route, mais cela n’annule pas la qualité générale du manga, qui peut s'apprécier que vous connaissiez cette saga ou non.
Et si vous voulez une autre course à travers les States, mais avec des bagnoles, testez Appare-Ranman! pourquoi pas.

Hanoko, tout lu entre le 18/12/2020 et le 19/03/2021