Sayonara Miniskirt

Avis

Coup de couperet pour une jeune Idol qui a toujours rêvé de cette carrière, passionnée à l’idée d’apporter des paillettes dans la vie des gens. Son agression au couteau lors d’une rencontre entre fan la traumatise et lui fait quitter le milieu, mais tirer un trait sur le passé n’est pas si facile.

Avant même d’entamer la lecture, un premier élément attire notre attention : ce manga est publié à la fois dans un magazine shojo et dans un magazine shonen. On a vu des mangas publiés dans des magazines qui ne se définissent pas de cible éditoriale classique, d’autre passer d’un magazine à un autre, changeant parfois de catégorie, mais je ne rappelle pas avoir vu jusqu’alors un manga avec une double parution, à la fois en shojo et shonen. En lisant, on se rend compte en effet que le manga peut aussi bien convenir en tant que shonen romantique dramatique que shojo. Son sujet est parlant pour les deux cibles, le dessin fait plus shonen que shojo, mais certaines mises en scène et emploi de trames rappellent davantage les shojo amour de lycée. Le dessin alliant ces deux facettes demeure de très bonne qualité de manière générale.

Au délà de cette démarche qui nous interpelle, on découvre un manga au sujet grave, qui narre toutes les difficultés qu’éprouve une jeune fille à surmonter une brutale agression. Ayant adopté un mode de vie protectif, en repli sur elle-même, les cicatrices restent vives et les séquelles se sont enracinées en elle. Malgré un entourage bienveillant, les fantômes du passé semblent la rattraper, son drame n’étant pas derrière elle. Le manga est très intéressant car par ce biais, il aborde avec justesse de nombreuses problématiques. Au-delà de l’intrigue principale et des difficultés à se reconstruire après une dure épreuve, le manga met l’accent sur le regard que la société porte sur une victime. Ces dernières années, le mouvement de dénonciations des violences, sexuelles ou non, faites aux femmes met en lumière un autre grave problème : le fait de faire porter la responsabilité sur la victime de sa propre agression. Le fameux "Elle l’avait bien cherché"… Nina doit aussi subir par procuration les remarques blessantes de ses camarades parlant de son passé en tant qu’Idol, reléguant une telle agression au simple rang de risque du métier en affriolant la gente masculine.

En revanche je reste assez dubitative à l’idée que ce manga ne prononce pas une seule fois le mot pédophilie (du moins pour ce que j’en ai lu). C’est un sujet qui a toujours été dérangeant dans les mangas et d’autres formes de la culture japonaise : cette idolâtrie de la petite fille. Dans n’importe quel manga, il arrive que des filles censées être âgées vont avoir une apparence de fillette et on ne saurait résumer la chose à une simple question de style. Clairement, quand le tome 2 montre une photo de Nina alias Karen, posant en petite tenue, personne dans le manga ne semble se rendre cpmpte qu’il est inquiétant de faire ça à son âge. D’autant qu’une enfant n’est pas armée pour se défendre dans un milieu aussi dangereux (un adulte l’est déjà à peine ou pas du tout), c’est l’exposer à de grands dangers. Pire, les personnages parlent d’elle en tant que femme. Mais on parle bien d’une jeune collégienne, à quel moment une enfant de onze ou douze ans est une femme ? Certes, je pose cette question avec mon point de vue occidental, où les pré-adolescentes ont droit encore d’être des enfants contrairement à d’autres pays ou époques où les enfants assument beaucoup trop tôt tant de responsabilités, mais là n’est pas le sujet.

Sayonara Miniskirt narre aussi une relation amoureuse, celle de Nina et de Hikaru. Celle-ci m’a peu intéressée, n’étant que rarement intéressée par cela, mais j’accorde au manga que ses personnages sont bien construits. Donc à défaut de capter notre attention, cette romance ne dérange pas. De plus, le manga comporte suffisamment d’autres bons personnages, même parmi les plus secondaires, pour donner envie de lire.

Un manga riche, au profil atypique, s’attaquant à plusieurs travers sociaux, bien que mon regard de non-japonaise me fait dire qu’il en occulte un crucial. Une œuvre qui s’annonce de qualité.

Hanoko, le 29/01/2021, tome 2 lu.