Jeu de la Mort (Le)

Avis

Ah un chagrin d’amour, ça vous ruine le moral, encore plus quand apparemment, vous n’avez rien d’autre pour vous animer dans la vie que cette émotion si instable. Alors quand en plus on considère comment nous traitera celui qui nous a rejeté, la coupe est pleine, mieux vaut tout lâcher. Enfin, si tant est qu’un élément extérieur ne vienne pas changer la donner.

Démarrant sur une situation dramatique, ce manga met en scène la relation normalement tabou entre un enseignant et une élève. Mikoto, une fille sans histoire mais pourtant seule au monde, visiblement sans rien qui l’intéresse, a une tendance visiblement dépressive puisqu’un premier râteau suffit à lui couper l’envie de vivre. Un sauveur inattendu, un enseignant de son lycée, va l’en détourner en lui faisant du charme et dédramatisant son chagrin par de l’ironie.

Clairement, c’est un scenario invraisemblable de shojo qui, malgré une introduction originale, se dirige vers du classique. Le "Pretty Privilege" marche à plein régime, si ce Jin avait été un vieux croulant cinquantenaire, la gamine n’aurait pas hésité une seule seconde à se jeter dans le vide. De plus, l’autrice lui a choisi un character design de sorte à ce qu’il ressemble au plus banal des personnages masculins de shojo, avec un air à peine plus âgé. Ainsi, en dépit de la différence de classe sociale, la bien-pensance reste sauve puisqu’on ne dénote presque pas de différence d’âge entre nos deux personnages. L’on voit d’ailleurs à son croquis initial que Mizuki Sora, ou Sora tout court, avait envisagé un personnage plus viril, mais pourquoi avoir changé ? De peur de trop bousculer son public ? Par ailleurs c’est amusant mais sur cette esquisse où l’on voit aussi Mikoto, les deux protagonistes me rappellent pas mal ceux de Act-age. On passera aussi sur l’improbabilité qu’un professeur fasse une telle démarche pour son élève, c’est une fiction, dans un shojo romance de lycée de surcroît, ne cherchons pas le réalisme à toute épreuve.

Et bien sûr notre héroïne va aussitôt craquer pour lui. Dès le chapitre deux, on ne la voit plus du tout penser à Kazama, hop, oublié, à la trappe, alors qu’on s’attendait à la voir continuer à broyer du noir en pensant à lui. D’ailleurs, on attend aussi le moment où elle le recroisera dans le lycée. Le manga évolue vers un petit manège où Jin doit déjouer toutes les tentatives tantôt voulues tantôt inconscientes de l’héroïne à mourir. Cela apparaît totalement gratuit étant donné qu’on ne la voit plus du tout parler de Kazama, à moins que l’autrice ait estimé cela plus nécessaire. Dommage, car l’idée était sombrement amusante.

Une fois passée cette introduction, le manga se redirige tranquillement vers de l’amour basique de lycéenne. Le côté "jeu de la mort" mis en exergue par le titre français du manga s’amoindrit très vite. Pour le moment, l’ajout d’un triangle amoureux demeure incertain mais probable (généralement le seul moyen que beaucoup des autrices de ce genre de manga voient pour pimenter leurs histoires).

Les personnages se comptant sur les doigts d’une main, demeurent plutôt bien construits, mais leur attrait repose surtout sur l’humour du manga, souvent noir et peu courant pour les shojo romance de lycée. Les héros se vannent en permanence, ne manquent pas de second degré, brisent le quatrième mur régulièrement. Ça donne ci et là un sourire en coin, ça permet de faire passer plus facilement la pilule des invraisemblances, mais ça ne rattrape pas tout.

Ce qui a trouvé aussi grâce à mes yeux demeure la qualité des dessins. L’autrice a un style à la fois sobre et élégant. Pas de trames d’ambiance à outrance, les dessins sont fins et soignés, un bon travail sur les décors et l’expressivité des personnages est très bien rendue, que ce soit leurs airs blasés que leurs émotions plus vivaces.

L’humour réussi de ce shojo ne va malheureusement pas suffire à rattraper un scenario qui m’a très vite lassée. Mais il reste tout de même dans la moyenne supérieure des shojo romance de lycée.

Hanoko, deux tomes lus, le 16/11/2020