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Avis

Non mais… Vous y croyez une collaboration entre Oshii Mamoru et Kon Satoshi ? C’est un peu comme si on nous annonçait une co-réalisation Martin Scorsese et Ridley Scott ! Certes, à l’époque de la parution de ce manga, Kon n’était pas encore le monument de l’animation qu’il allait devenir, mais rétrospectivement, une telle combinaison relève de l’extraordinaire.

Nous voici dans une histoire d’épidémie mondiale qui a décimé une grande partie de l’humanité et qui a redéfini les rapports entre les pays. Et en particulier en raison de la zone continentale de quarantaine autour de l’Eurasie concentrant beaucoup de cas de maladie. Un pitch que l’on peut qualifier de post-apocalyptique plutôt classique, mais qui fait terriblement écho à ce que le monde a traversé avec la pandémie de Covid-19, d’autant que la Chine est aussi au cœur de ce manga et stigmatisée par le reste du monde.

On y suit une drôle d’équipe d’enquêteurs, deux scientifiques ayant renié leur profession, une fillette mutique et un chien. À travers leur voyage, l’intrigue se dessine peu à peu, le contexte politique se détaille, agrémenté d’éléments historiques afin d’ancrer dans le réel cette histoire surnaturelle. Toute une mystique se déploie autour de cette maladie pleine de mystère et imprégnée d’éléments bibliques. J’apprécie l’effort pour développer l’univers et les relations complexes entre différentes factions et organisations, au sein des états et entre les états. Cela donne envie d’en découvrir davantage. De plus, les événements s’annoncent rudes, cruels, sans concession.

Les personnages se révèlent peu atypiques, mais leur portrait dressé reste intéressant. En revanche, Sera s’apparente à un PNJ enfant de jeu vidéo dans des missions spéciales d’escorte où sa vulnérabilité est équivalente à son comportement erratique à aller se mettre toujours au pire endroit, compliquant fortement la tâche aux deux adultes à ses côtés %). Quant au chien, le mystère plane encore entièrement sur sa nature.

Le dessin demeure de très bonne qualité, détaillé, maîtrisé avec un soin notable apporté au faciès des personnages, rendant reconnaissables même des personnages secondaires voire des figurants. Rien à redire à ce sujet.

Mais comme vous pouvez le voir, le projet a été arrêté au bout d’une poignée de chapitres, collectés en un volume des années après. La faute à des différends entre les deux auteurs, à la vision qui divergeait de plus en plus pour ce manga. La première partie de la postface française du manga nous offre de précieuses informations concernant la genèse de l’œuvre.
Mais difficile de vous recommander clairement ce manga, pourtant de qualité, mais qui en l’état, demeure avorté et laissant beaucoup trop de questions en suspend forcément. Toutefois, pour les amoureux de ces deux auteurs, ce manga sera à n’en point douter une pièce de collection, d’archives. Et je vous laisse le loisir de décoder ce que pourrait signifier le sous-titre.

Hanoko, le 09/02/2024