Japonais en MANGA (Le)

Avis

On m’avait offert le premier tome de ce manuel il y a presque quinze ans, mais feignasse que je suis, je ne m’étais jamais lancée à essayer d’apprendre le japonais et n’avait donc a fortiori pas testé la méthode de ce livre. Et je dois dire qu’en feuilletant, la qualité des dessins des quelques cases de mangas accompagnant chaque leçon a été rédhibitoire à mes yeux, l’exemple parfait d’imitations de mangas mal faites, grossières, pour des dessins de piètre niveau. Toutefois, la réédition de ce livre propose une couverture bien plus belle :

Mais le contenu restant probablement le même, le décalage s’en trouvera d’autant plus décevant.

Au commencent de 2020, bonne résolution, je me suis enfin décidée à tenter d’apprendre un peu le japonais. Regardant tant d’animes en VO, parcourant tant de pages en japonais pour vous fournir des fiches toujours plus complètes sur le site, c’était vraiment dommage de ne pas essayer de connaître un peu plus cette langue que par les insultes, injonctions et mots doux si souvent répétés dans les animes ^^. Il semble que ce soit la mode d’apprendre le japonais en ce moment d'ailleurs, car pas mal de personnes s’y sont aussi mises autour de moi, pour des raisons diverses pas forcément en lien avec les mangas et par pure coïncidence. Alors que toutes brandissaient leur application smartphone, moi je suis allée rechercher ce vieux bouquin pour enfin l’essayer (et oui, je garde même les cadeaux qui ne me plaisent pas ! L’idée restait toutefois bonne et mon jugement trop hâtif pour m'en délester ainsi). Qu’est-ce que cet ouvrage donne une fois les mauvais a priori dépassés ?

Le livre s’articule sous forme de trente leçons thématiques, commençant par la théorie, continuant avec quelques exemples à partir de cases de manga puis une petite page d’exercice pour un peu récapituler les connaissances. Une structure similaire à des cours classiques mais qui fonctionne toujours. Le livre est bien construit dans l’ensemble, avec un lexique à la fin, chaque leçon à son sujet défini que l’on peut plus ou moins apprendre indépendamment les unes des autres. À part au début, où les hiragana, les katakana et l’explication des kanji demeurent vraiment le point de départ indispensable, on peut choisir quoi apprendre dans quel ordre, d’autant que les leçons nécessitant une précédente les citent, pour nous permettre de naviguer dans le livre. Oui, car j’ai trouvé l’ordre des leçons pas toujours adéquat, celles de grammaire arrivent très tard au compte-goutte dans le livre. On a l’impression de ne faire que du par cœur de kanji à la pelle mais pas de pouvoir formuler une seule phrase, ce qui est un peu frustrant.

Ce que je trouve dans l’ensemble le mieux réussi sont les descriptions théoriques pour chaque chapitre. En effet, l’auteur ne nous parle pas de manière scolaire et froide, mais il nous donne des éléments d’explications sur pourquoi telle formulation se fait ainsi, pourquoi telles appellations sont utilisées dans telle situation, etc. Il nous partage aussi quelques faits culturels sur le pays, qui peuvent aider à mieux s’imprégner de la culture du pays. En revanche parfois il passe assez vite sur certains points. Comme la leçon dédiées aux pronoms personnels, il en existe beaucoup de similaires, mais il ne détaille pas la différence entre tous (par exemple "watashitachi" et "wareware", qui veulent dire "nous" de manière formelle mais sans préciser ce qui les distingue). Ensuite, je ne sais si ce problème incombe à l’édition française du manuel, mais il aurait vraiment fallu choisir une taille de caractère supérieure. Là, un kanji sur deux sont des pattes de mouche, j’ai de la chance d’avoir de bons yeux, mais une loupe ne serait pas du luxe pour être certains de bien voir certains kanji compliqués. Je n’ai découvert qu’après coup que le livre comportait à la fin un glossaire avec les kanji des leçons, en grosse taille de caractère et accompagnés de la manière de les écrire. Ça aurait été pas mal de le rappeler plus tôt dans le livre, mais toujours est-il que cela complique la tâche pour lire les leçons à fur et à mesure.

Ensuite la partie exemple avec les cases de pseudo-manga. L’idée demeure bonne sur le papier, mais la mise en œuvre laisse à désirer. Déjà, il est assez dommage que les cases ne soient pas issues de vrais mangas, cela aurait tellement plus kiffant de se motiver en lisant des cases de nos mangas préférés, ou du moins qui nous parlent. Néanmoins, je conçois parfaitement que cela aurait été trop compliqué à gérer pour négocier les droits d’auteur. Ce sont donc des dessinateurs espagnols qui ont réalisé les illustrations spécialement pour cet ouvrage, elles ne viennent pas non plus d’œuvre de ces auteurs. L’avantage de ce choix permet d’être beaucoup plus libre pour donner des exemples pour chaque leçon. Mais ces cases ne tirent pas tout parti de cette marge de manœuvre. Quasiment tout le temps, les dialogues dans les cases font appel à du vocabulaire jamais vu dans les leçons précédentes, ce qui rend la lecture impossible. Je le déplore car ces rubriques deviennent de la décoration (et pas très belle à mes yeux comme j’ai pu déjà le dire), alors que des entraînements de lecture demeurent indispensables pour retenir la multitude de kanji dont chaque leçon nous abreuve.

Quant à la page d’exercices qui conclut chaque leçon, elle demeure très succincte, mais suffit pour tester ce que nous avons appris au cours du chapitre. De plus, parmi les quatre tomes de ce manuel, deux sont dédiés à des exercices, ce qui complète sûrement convenablement cette partie. Peut-être que ces tomes comblent aussi les lacunes concernant les exercices de lecture.

Ce manuel demeure bon sur le fond. On sent que Marc Bernabé veut nous faire partager sa passion du Japon, il est pédagogue et sa manière d’expliquer chaque facette de la langue japonaise se révèle très agréable à lire. Mais le livre pèche beaucoup sur la partie pratique, du moins pour le premier tome. Les cases de manga n’ont guère de valeur ajoutée et apparaissent presque comme purement racoleuses pour inciter les lecteurs de mangas à acheter le livre, qui risquent d’être déçus en parcourant les pages. Pourtant, quand on s’intéresse aux dessinateurs qui ont contribué, on voit qu’ils ont tous un très bon niveau actuellement (même si deux ont bien davantage un profil auteurs de comics que mangakas). Peut-être que ces leçons ont été écrites trop tôt. Je ne saurais si je dois conseiller ou déconseiller ce livre, qui a ses atouts et ses faiblesses, mais il peut constituer malgré tout une porte d’entrée sympathique pour s’initier au japonais. N’ayant pas essayé d’autres outils d’apprentissage du japonais à ce jour, je ne peux comparer d’autres méthodes.

Sachez qu’il existe aussi une autre série de manuel dans la même gamme, nommée les Kanji en MANGA.

Hanoko, la moitié du manuel testé, le 11/03/2021