Plaine (La)
"Après deux ans d'absence, le jeune Duan Fang rentre au village des Wang. Au fil des saisons, nous allons le suivre dans sa redécouverte de la vie aux champs, l'ardent amour qu'il porte à une jeune fille qui ne lui est pas destinée, sa lutte pour échapper à un destin tout tracé.
Dans le village des Wang, toutes les hiérarchies ont été bouleversées par le passage de la Révolution culturelle, et le notable d'avant est le proscrit d'aujourd'hui. Bi Feiyu s'attache à une multitude de personnages hauts en couleur, comme "ce médecin aux pieds nus" qui fabrique en secret du soda dans ses flacons de sérum physiologique ; Vieux Harpon, poursuivi par le fantôme du riche propriétaire terrien dont il a récupéré la maison ; Monsieur Gu, un "droitiste" converti qui déchiffre le monde à l'aune de l'oeuvre de Karl Marx ; ou la belle Manling, une "jeune instruite" envoyée se former chez les paysans et devenue la très zélée secrétaire du Parti, éperdument amoureuse de Duan Fang."
Avis
"La Chine sous Mao est une époque qui m'intéresse fortement. La quatrième de couverture de La Plaine m'a tout de suite convaincu : l'histoire semblait être bien farfelue.
Le premier élément du roman, c'est la vie paysanne. Une vie de dure labeur, sans répits. Duan Fang, notre jeune héros, s'y habitue. Pour l'auteur c'est l'occasion de nous faire partager beaucoup de la sagesse paysanne, à coups de proverbes : Il comprendrait quand il serait marié que travailler c'est comme se coucher avec sa femme : si on démarre trop fort, on mollit très vite. (p. 19) Il y a même des expressions qui seraient propres au village : sa culotte ne sentait pas bon (p.57) pour une femme de mauvaise condition qui aura du mal à trouver un époux.
C'est une vie rustique, où la bonne chaire a une grande place. Ainsi les plaisirs de la bouche sont baiser, manger, parler. Il en sort aussi de beaux rots.
L'évocation de la sexualité est souvent à mourir de rire car l'auteur est ironique et utilise des images parlantes (comme "le petit canon", ou "la petite locomotive"). On sent que l'auteur s'éclate. Un des autres plaisir de la bouche, ce sont les bavardages entre les villageois, qui font souvent courir des rumeurs, qui déforment la réalité, ce qui est tordant.
Avec les hommes, ce sont aussi les animaux qui sont très présents. Au début du livre, c'est l'occasion de se moquer du système, en montrant par exemple que les fourmis tiennent des Congrès. Au fur et à mesure du récit, ceux-ci prennent plus de place. Le héros se questionne. On lui répond : L'autre n'est pas forcément un être humain . Il pouvait aussi être un animal. (p. 378 ) Parfois même l'animal est l'égal de l'homme... égalité qui saute à la fin.
L'histoire se passe en 1976, où le régime communiste est sensé encore être assez puissant. Pourtant, malgré la présence de personnes en "rééducation", et de la secrétaire du parti, le "système" est assez peu présent. Du fait que le village soit reculé, "l'Etat" est une entité abstraite pour les paysans, nous explique l'auteur, qui consacre quelques chapitres à la concurrence que rencontre le communisme, par exemple avec la superstition locale, ou le bouddhisme pratiqué en secret par certains villageois.
Comme l'histoire se déroule en 1976, et si on ajoute à cela qu'ils sont un peu coupés du monde, on s'attend à voir quelles vont être les secousses provoquées par la mort de Mao. Ce passage obligé arrive à la moitié du récit. C'est l'occasion pour ces paysans d'être en harmonie avec le reste des travailleurs chinois, avec Pékin. Immédiatement après, chacun retourne à ses petites affaires. Les jeunes citadins veulent se barrer à l'armée, mais pour cela ils devront se mettre dans la poche la secrétaire de la section du parti (une jeune fille de la ville comme eux). Dur dur.
Le centre du récit est donc Duan Fang, qui en bave aux champs, qui se bastonne avec les autres gamins du village, qui découvre le sexe etc. Le récit est centré sur ces jeunes qui causent beaucoup de soucis à leurs parents (garder leur réputation, les marier).
On peut s'interroger sur le but de Bi Feiyu en écrivant ce livre. Ce dernier nous évoque une histoire qui s'est déroulée dans sa région natale. Pour autant, est-ce un récit autobiographique ? La première moitié du roman est un prétexte à faire des digressions pour expliquer le parcours de certains personnages, hauts en couleurs. La suite se focalise sur ses personnages principaux. Enfin pourquoi écrire ceci aujourd'hui ? Est-ce pour indiquer que les conditions de vie paysanne n'ont guère évoluées ? Je n'ai pas les réponses.
Avec La Plaine, Bi Feiyu dresse un portrait vivant d'un village au cours de l'année 1976. L'occasion pour le lecteur de souvent ricaner, mais aussi de souffrir avec les personnages."
Docteur Spider, 29/09/09
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