Impérialisme, le spectre du XXe siècle (L')
"Dès sa parution en 1901, cette charge au vitriol contre les nationalistes de l'ère Meiji suscite une intense polémique et s'attire les foudres de la censure nippone, qui interdira l'ouvrage jusqu'en 1952 ! Hymne à la fraternité entre les peuples, profession de foi révolutionnaire autant que manifeste pacifiste et internationaliste, ce livre anticipe les dérives du militarisme japonais, la guerre contre la Russie, l'annexion de Taiwan et de la Corée. Une oeuvre visionnaire devenue un grand classique de d'histoire des idées politiques. "
Avis
"Nous sommes en janvier 2011, c'est les soldes, je fais ma tournée Quartier Latin - Les Halles, à la recherche de bonnes affaires. Je suis tombé par hasard sur un livre (à 3 euros au lieu de 25 !) dont je ne pouvais imaginer l'existence : L'impérialisme, le spectre du XXe siècle. Même si c'est le CNRS qui publie, il s'agit d'une traduction d'un pamphlet écrit par un révolutionnaire japonais au début du siècle.
Le titre de l'ouvrage fait bien évidemment penser à L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, de Lenine, écrit en 1916, soit 15 ans après l'oeuvre qui nous intéresse aujourd'hui. Signe que les deux révolutionnaires ont vécu à la même époque. Malheureusement Kôtoku Shusui ne connaîtra pas la révolution russe.... car il est mort en 1911, exécuté par le pouvoir.
Vu qu'il s'agit d'une période particulière, pas connue du grand public, la traductrice, Christine Levy, se permet 70 pages d'introduction (sur un livre de 200 pages) : contexte général de l'époque d'écriture du livre, biographie de l'auteur, analyse du contenu du livre. Ca se lit tout seul (malgré les nombreuses notes de bas de page), c'est très enrichissant et ça permet de se plonger dans le bain. L'histoire du communisme et de l'anarchisme en ce début de siècle, c'est l'histoire de leur répression.
L'année qui précède L'impérialisme, l'auteur a été très marqué par la répression japonaise du soulèvement des Boxers (Chine, voir Ikki Mandara). Auparavant, il pensait que le Japon devait avoir un rôle de protecteur de la paix en Asie (ce qui justifiait des conflits armés). Cette même année 1900 le gouvernement japonais durcit la répression contre les syndicalistes. L'introduction permet de voir également les débats de la Seconde Internationale : réforme ou révolution, élections ou grève générale.
La traductrice souligne également les limites de l'auteur : anglophone, il sera sous l'influence des "libéraux " anglais et américains, certes anti-impérialistes à une époque de leur vie, humaniste, mais jamais socialistes, encore moins révolutionnaires. Du coup l'ouvrage de Kôtoku Shûsui va sans doute pécher dans les réponses à apporter.
Christine Levy explique ses contradictions : mélange de libéralisme/humanisme/confucianisme du fait de son passé, son éducation, son parcours; et de socialisme. Du coup dans cet ouvrage l'Empereur du Japon garde un bon rôle, qui côtoie une critique de l'impérialisme
Pour en venir à l'ouvrage en lui-même, le style, polémique, fait penser que l'auteur est en train de dialoguer avec des pro guerre (mais qui ne sont pas des militaires eux même). Il discute avec l'homme du commun. Ou bien il est en train de donner de multiples arguments à ses partisans. Les paragraphes sont courts, voire très courts, la lecture est fluide. Au menu du livre : Le patriotisme, le militarisme, l'impérialisme (et les chapitres 1 et 5 en guise d'introduction et de conclusion). Pour ces démonstrations, l'auteur utilise des exemples de la Grèce antique et Rome, plus France, Allemagne, USA, pour comparer avec la situation japonaise. Mais peut-on mettre sur le même plan les empires antiques et les impérialismes d'aujourd'hui ?
"Ils désirent augmenter la production et sa valeur, la prospérité du commerce domestique et extérieur, ils savent que l'armement leur coûte une somme considérable de capital et qu'elle gaspille d'énormes quantités de forces productives, que les guerres sont un obstacle au commerce et qu'elles plongent dans le marasme, mais pourquoi ne cherchent-ils pas à diminuer ces dépenses pour les investir dans le commerce ?" Pour garantir la paix, disent-ils.
Kôtoku Shûsuii se dit socialiste, aujourd'hui on dirait "de gauche". Ce n'est qu'après la publication de L'impérialisme qu'il se plongera dans les traductions japonaises de Marx et d'Engels. En 1903 paraîtra sa deuxième grande oeuvre : L'essence du socialisme (pas traduit en français). Du coup le texte est peu révolutionnaire, peu matérialiste, assez verbeux (c'est l'aspect polémique).
Au niveau de l'édition, on retrouve beaucoup de notes de bas de page si on veut un supplément d'info sur tel personnage, événement, référence.
L'intérêt principal de L''impérialisme, le spectre du XXe siècle, et de son édition en français, est de nous faire découvrir un pan oublié de l'histoire ouvrière japonaise et internationale. Ensuite en elle-même l'analyse, certes précurseur, reste assez faible même si les arguments antimilitariste et antipatriotique sont bons, et il faudra se reporter à Lenine."
Docteur Spider, 19, 20 et 21/01/01
30 ans plus tard, l'écrivain-journaliste Takiji Kobayashi signait Bateau-usine (Le)
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