Essence du Karate-dō (L') – Ce que cache la technique…

Avis

Qu’est-ce qui différencie un art martial d’un sport de combat ? Le karaté, qui s’est depuis les années beaucoup exporté à travers le monde garde-t-il son essence spirituelle malgré tout ? Pratiquant moi-même le karaté depuis des années, lire un tel ouvrage allait me permettre de comparer ce que j’ai pu apprendre au dojo et ce qu’un maître parmi les personnalités éminentes de l’essor du karaté peut enseigner dans un essai.

Dans ce livre, Egami décortique les aspect principaux du karaté, des exercices d’échauffement et de renforcement, les positions de base, la manière de donner un coup, les combats et les katas… Il prend pour chaque thématique des exemples de mouvements qu’il décrit textuellement et illustre avec des photo (de ses élèves je suppose) sur la manière de les exécuter. Et au travers de ces exemples, il nous transmet sa vision du karaté, sa philosophie et l’état d’esprit dans lequel il faudrait envisager cet art martial.

Le livre s’adresse aussi bien aux débutants qu’aux vétérans. Si de prime abord, en voyant qu’il reprend toutes les bases pour les redétailler, on peut croire qu’il se dédie surtout aux personnes voulant s’initier au karaté, on constate vite qu’il présente aussi des exercices très poussés accessibles seulement à des pratiquants et pratiquantes aguerris. Que ce soit sur le plan physique ou mental d’ailleurs. C’est très intéressant de lire les explications sur l’évolution du karaté, Egami nous montrant souvent des comparaisons entre des anciennes formes de certaines postures dont il développe les raisons des changement. Je regrette toutefois que les photographies ne soient pas de très bonne qualité, c’est parfois un peu flou pour se rendre compte de différences tenues. Mais bon, il ne faut pas oublier l’ancienneté de l’ouvrage. J’ai d’ailleurs été surprise qu’aucune photo ne le montre lui-même en action, mais cela concorde après tout à la notion d’humilité qu’il met en lumière dans ses textes. L’on voit d’ailleurs aussi des hommes que des femmes pratiquer, soulignant l’universalité du karaté.

J’aime beaucoup le ton adopté, à la fois très pédagogique et conversationnel. En effet, Egami explique avec clarté les raisons de chaque manière de faire, tout en nous faisant part de ses propres réflexions, son cheminement intellectuel sur sa pratique du karaté, les enseignements qu’il a pu tirer lui-même de certaines situations de sa vie, quelques doutes et zones d’ombres qu’il peut reconnaître, etc. C’est très accessible et on sent vraiment une volonté de partage et non pas seulement l’idée qu’un grand maître sachant tout nous dévoile sa grande érudition à laquelle il n’y aurait rien redire. Il a bien sûr des avis tranchés sur certains sujets mais on comprend parfaitement son point de vue.

Ainsi, il prône une vision presque métaphysique de la pratique du karaté, où la pratique se conjugue toujours avec le contrôle de soi, le respect d’autrui, l’enrichissement mutuel à s’entraîner avec ses condisciples, la découverte de son propre corps et du repoussement de ses propres limites. Il l’oppose à une vision sportive du karaté, où la victoire et la seule performance physique priment. Ayant moi-même été versée dans un karaté très traditionnel et n’aimant en général pas l’esprit de compétition, je me retrouve parfaitement dans ses propos et peut constater que cela concorde avec ce que j’ai pu apprendre dans mon club. Egami ouvre par moment sa réflexion sur un aspect plus spirituel voire ésotérique, sans perdre de vue le côté concret. Il n’omet pas de faire le parallèle avec l’application du karaté hors des murs du dojo, j’ai pu relever quelques petites contradictions à ce sujet, mais ses propos restent très intéressants.

Il ne s’agit donc pas d’un manuel de karatéka débutant mais d’une étude sur le karaté reposant sur des cas pratiques. C’est vraiment intéressant à lire car il redonne une aura à un art martial tant démocratisé et banalisé (comme le judo où un enfant sur deux en France l’a pratiqué durant les années école primaire) qu’on pourrait croire qu’il en a perdu son côté philosophique, son aura qui entoure les arts martiaux. On peut voir donc que ces problématiques avaient déjà cours il y a plus de cinquante ans au Japon-même. Un livre qui s’adresse donc surtout aux karateka, tout niveau confondus, mais certains passages demeurent parlant à tout public.

Hanoko, le 28/06/2026