Kingdom Hearts 3

Prenant place immédiatement après Kingdom hearts : Dream Drop Distance, Kingdom Hearts III tâche de conclure la saga Xehanort (mais pas forcément toute la série des KH), en ramenant toutes les différentes trames des précédents opus à leur conclusion, et en portant (enfin !) la série vers la HD. Mais le résultat est malheureusement un peu décevant. Certes, le jeu eut un développement mouvementé, affecté notamment par le retard monumental de Final Fantasy XV. Mais cela n’excuse pas tout, notamment certains choix discutables. Qui plus est, Square Enix avait annoncé longtemps à l’avance qu’il conclurait le cycle de Xehanort, mais a tout fait pour accumuler les attentes à son endroit, en multipliant les opus intermédiaires, et en nous faisant poireauter plus de 12 ans. Difficile d’en faire abstraction en jugeant.

Constatons d’abord l’évidence : les graphismes. Après une éternité de moteur PS2, la saga des KH fait enfin peau neuve, et passe à l’Unreal Engine 4. C’est bien. Mais le résultat est moins beau que Final Fantasy XV, sorti deux ans avant. C’est moins bien. Mais ne crachons pas trop dans la soupe, au moins, le résultat est là : la série a enfin des graphismes à la hauteur de ses ambitions, en pouvant au moins afficher des univers vastes, et surtout, vivants : on a ENFIN droit à des PNJs déambulant dans les rues ! Finie, l’impression d’explorer des décors de théâtre, qui était une des rares faiblesses de la série. L’exploration des mondes devient donc davantage intéressante qu’auparavant, avec également un certain nombre de trésors cachés à trouver, selon l’habitude de la série (sauf le 2, assez avare là-dessus).

En termes de jouabilité, KH3 reste globalement sur la lancée de Kingdom Hearts II, avec quelques éléments de Kingdom Hearts : Birth By Sleep, à savoir les formes de combat et le tir visé. Personnellement, j’avoue que j’aurais préféré l’inverse. L’une des grandes forces de BBS est en effet son système de magie, qui permet une grande variété (et de grosses possibilités d’optimisation, pour les grosbills), alors qu’on reste ici sur la poignée de magies de KH2, et le système de soins assez limité. On peut se consoler avec un plus grand nombre de touches de raccourcis, ce qui permet une utilisation effective de la magie (et des objets de soin) plus variée. Les formes de combat sont intéressantes, le tir visé, lui, moins. Le jeu amène également une innovation discutable, les « Attractions », qui sont des attractions des parcs Disney apparaissant dans une lueur néon fluo pour faire des dégâts aux ennemis. Outre l’esthétique passablement tape-à-l’oeil, cela rend le jeu un peu trop facile (même pour moi qui ne suis pas un joueur très habile, et qui jouais pourtant en mode Expert).

Niveau sonore, Yoko Shimomura signe encore la musique, et son travail est comme toujours excellent, avec même un certain renouvellement de style (plus symphonique) par rapports aux opus précédents.  En revanche, gros bémol : le jeu n’est plus doublé en français, contrairement aux deux autres opus principaux. Ce qui est difficilement compréhensible. Certes, le nombre de répliques à doubler est nettement plus important, et le doublage anglais est déjà bon. Mais vu le budget de Square Enix ; l’implication de Disney (qui a toutes les structures nécessaires pour ce genre de boulot) ; le fait que FFXV, deux ans auparavant, était entièrement (et très bien) doublé, il y a de quoi être déçu.

Parlons à présent de l’histoire, qui est malheureusement le point faible du jeu. Celui-ci reprend en effet directement là où Kingdom hearts : Dream Drop Distance (faut s’y retrouver) avait laissé l’histoire, et l’on va passer les 2/3 du jeu à régler un problème qui aurait déjà dû l’être dans cet opus (secondaire, rappelons-le), et qui se trouve en plus être en scénarium pur, car sans aucune incidence sur les mécaniques du jeu.

C’est donc assez regrettable, car pendant tout ce temps, le joueur effectue une simple quête secondaire, tandis que l’histoire avance durant les cinématiques, grâce à d’autres personnages, sans que l’on y fasse grand’ chose. On se concentre donc sur les habituelles intrigues des mondes Disney (principalement issus des films modernes, y compris des Pixar : Toy Story, Raiponce, La Reine des Neiges…), mais surprise ! Là où celles-ci reprenaient avant assez fidèlement leur film d’origine, elles sont ici complètement tronquées, jusqu’à en être parfois difficilement compréhensibles. Les éléments issus de Final Fantasy sont aussi pratiquement absents ; entre ça et les « Attractions », on a l’impression que Disney a fait une OPA sur le jeu pour s’en faire une pub géante. Sora, lui, se contente globalement de balancer ses répliques habituelles sur l’amitié que c’est vachement bien, peut-être pour se faire pardonner d’avoir un peu mis Dingo et Donald au rencart pendant plusieurs épisodes.

Dans le dernier tiers, les scénaristes se sont souvenus qu’ils avaient les intrigues d’une dizaine de jeux à dénouer, et rattrapent le temps perdu. De façon un peu précipitée et parfois décevante (votre personnage préféré est devenu fou à force d’être coincé dans les ténèbres plusieurs années ? Quelques coups de Keyblade dans la tronche et il sera comme neuf !), mais bon, au moins c’est fait, et l’on pourra aborder la prochaine saga le cœur léger. Arrive enfin la « Guerre des Keyblades », plutôt bien mise en scène. Il me semble un poil pompeux de parler de guerre avec seulement vingt protagonistes, mais bon, j’imagine que ça fait mieux dans les livres d’histoire que « la Baston de Rue des Keyblades ». Le combat final, lui, est assez impressionnant, et nous fait découvrir un nouveau monde, important pour l’univers de la série, en espérant en voir plus par la suite.

Notons tout de même sur la fin deux mondes « bacs à sable », l’un inspiré du film Les Nouveaux Héros, l’autre des derniers films Pirates des Caraïbes. Si le premier est un peu vide et donc moyennement réussi, le second est beaucoup plus sympathique : constitué de mini-donjons à l’échelle d’îles à explorer librement, il propose un changement de rythme rafraîchissant par rapport aux habituelles histoires linéaires des autres mondes, et j’espère qu’une telle initiative fera des émules dans les prochains opus de la série.

Bref, voilà Kingdom Hearts III. Un final un peu en eau de boudin, pour une série géniale mais peut-être trop ambitieuse. Il reste tout de même agréable à jouer et à explorer, et accomplit au moins sa mission de trancher le nœud gordien des intrigues accumulées pendant près de vingt ans, pour que la série puisse repartir, on l’espère, sur des bases saines.

Chaton ubiquite, jeu terminé, le 09/04/21