Memories of Murder
Staff
Avec Kang-ho Song, Kim Sang-kyung, Hee-Bong Byun
Diffusé en Aout 2005 sur TPS
Dans les années 80, deux inspecteurs de province se retrouvent face à une affaire de serial killer. On dépèche un inspecteur de Séoul.
Avis
Quand Memories of Murder est sorti en Corée, le public avait un avantage, si l'on peut dire, sur le public français : celui-ci savait que le film était basé sur une histoire vraie, et il savait comment l'histoire allait se terminer. Nous on a eu la chance de le découvrir, et ce fut une sacrée découverte, faisant de film une oeuvre culte. Son statut est-il mérité ?
Dans un petit village, plusieurs jeunes femmes sont retrouvées mortes, leur corps ficelé avec leurs sous-vêtements. Face à l'incapacité des policiers locaux à avancer, un enquêteur est dépêché de Séoul. Va-t-il réussir à démêler la première affaire de serial killer de l'histoire de la Corée ?
On va donc suivre en parallèle deux façons de mener l'enquête : la provinciale, à coup de tatane, de délit de faciès, de preuves fabriquées de toutes pièces (Song Kang-ho). D'une bêtise crasse, il est bête et méchant, ce qui est à mourir de rire. Et la séoulienne, qui essaye de réunir des preuves objectives (Kim Sang-kyung). Les deux inspecteurs s'ignorent royalement. Cependant Memories of Murder a un aspect buddy movie, leur relation va donc être amenée à évoluer.
Le film est très bien mené. Même si les scènes de crimes sont assez sales, le réalisateur est assez dans la retenue. Le but n'est pas de faire du voyeurisme sur le corps en décomposition des victimes. L'histoire est suffisamment fournie en rebondissement pour nous faire passer les 2h10 de film. La fin pète bien, et c'est elle qui va nous marquer.
Une question traverse l'ensemble du film : peut-on saisir quelqu'un du seul fait de son apparence ? Saisir est à entendre dans son double sens d'agripper physiquement / d'arrêter, et, de comprendre, de rentrer au fond de son âme.
Le personnage incarné par Song Kang-ho affirme dès le début du film qu'en fixant bien le visage d'un présumé coupable, il va pouvoir deviner s'il s'agit de la bonne personne. Son chef lui fait alors passer un test : ils ont en face d'eux deux personnes qui viennent de se bagarrer. L'un est un ancien violeur, l'autre est le frère d'une des victimes. Tout d'eux ont l'air normaux, comment trancher ? On ne connaîtra pas la réponse du policier, l'histoire passant à une autre scène.
Autre scène : une femme marche aux abords du village. Elle se rend compte qu'un homme étrange/étranger veut s'approcher. Elle prend peur. Heureusement pour elle, Song Kang-ho passait par là en voiture. Il se met à castagner l'inconnu. Il s'agit en fait d'un policier. Il n'est donc pas écrit flic sur la tronche non plus. Les apparences ne disent donc rien de qui on est ?
La culpabilité se lit-elle sur le visage ? Non. Song Kang-ho est plutôt un fieffé utilisateur du délit de faciès. C'est pour ça que son complément naturel est le passage à tabac, pour faire cracher des aveux au coupable tout désigné. Bref, la méthode ne semble donc pas bien marcher. Retrouver un criminel est bien plus profond. Kim Sang-kyung va utiliser la science, qui permet d'obtenir des pistes (''les documents ne mentent jamais'', l'humain si), mais pas la vérité, malheureusement.
Qu'est-ce qui explique une telle cruauté de la part de notre tueur de belles demoiselles ? Au cour du film, aucune piste n'est avancé par les personnages. Cependant le réalisateur, par sa mise en scène, tient un discours sur la nature humaine.
En effet, la scène d'ouverture, montrant un enfant capturant des insectes, n'est-elle pas une référence à celle de La Horde Sauvage ? Son but étant de souligner la cruauté des enfants, donc de la nature humaine. Dans la scène suivante, le corps vient d'être découvert par Song Kang-ho. Un enfant traîne à côté, le même qui ''collectionnait'' les insectes. Il répète tout ce que dit le policier : « va-t-'en » lui lance-t-il, et le gamin de dire « va-t-en » etc.. Au moment où j'ai vu cette scène, elle m'a interpellée, n'étant certainement pas gratuite de la part du réalisateur, mais je n'arrivai pas à m'en expliquer le sens. En écrivant cet article, j'ai eu une illumination :Les enfants répètent ce que font les adultes. Ca peut s'entendre en deux sens : La violence des enfants n'est pas naturelle, elle leur est apprise. Ca peut également être une piste : le violeur du film peut avoir été violé dans son enfance, il répéterait ce qu'il aurait vécu (c'est mon hypothèse, il n'est pas fait mention des causes du viol dans le film).
Comme la scène dans laquelle un enfant répète ce que lui dit le policier, d'autres moments s'intercalent dans le film, afin de suggérer un message aux spectateurs : à plusieurs reprises, il est question des couvre-feu, des entraînements en cas d'attaque, du « Bureau de la Sécurité » et on voit la police et l'armée qui répriment les manifestations. On est en 1986, comme nous l'indique l'ouverture de Memories of Murder, période de dictature militaire dans le pays. Bang Joo Hon, le réalisateur du film, explique dans une interview donnée pour le docu Renaissances du cinéma coréen (Les) que les années 80, c'était une période d'incompétence. D'où le caractère stupide des policiers. Mais qu'est-ce qui explique cette situation ? Le rapport des adultes aux enfants qui se transmettent leur cruauté depuis des générations ? Le service militaire obligatoire, comme intégrateur et diffuseur de violence ?
Dernier aspect, d'autoréflexion : Le deuxième suspect est-il une image du téléspectateur. Il peut paraître étrange que je me pose ce type de question, mais voyez plutôt : celui-ci prend un plaisir sexuel à lire les éléments de l'enquête sur le meurtre en série. Il dit que ça l'excite plus que de lire ses habituels revues porno. En ce qui concerne le spectateur, pourquoi prenons-nous plaisir à voir un film qui raconte un film si horrible, et qui nous met dans un état de tension de bout en bout Pourquoi Memories of Murder est-il un si grand film, alors qu'il est si noir ? Je ne peux pas en dire plus sous peine de spoiler. Mais il y a quelque chose de vicelard là dessous...
Un grand film.
Docteur Spider, 08/08/05
Deuxième version de l'article : 11/09/13
"Je suis un peu moins positive que Doc. Le film ne m'a pratiquement jamais fait rire, et certainement pas leur manie à toujours tabasser pour obtenir des réponses, ils m'ont plus apparu comme des salauds de première. Surtout qu'il n'y a aucune plaisanterie dans le film, donc trouver de l'humour dans leur moyen d'action me parait difficile. De plus, l'histoire des meurtres est assez sombre, on se serait justement plus attaché aux policiers s'ils n'étaient pas aussi violents. Si le film avait été davantage dans cette voie, je pense que j'y aurai porté plus d'intérêt.
Certaines scènes sont assez inutiles, elle ne font pas avancer l'intrigue et n'apportent rien. Je pense à celle où ils sont dans un restaurant avec des nanas. je ne vois vraiment ce qu'elle venait faire là.
Tous ces éléments m'ont empêché d'adhérer vraiment au film. C'est dommage, car il des qualités à côté. Comme j'en ai déjà fait allusions: le scénario avec les meurtres est assez bien mené, avec une évolution intéressante. Les acteurs se débrouillent aussi correctement. Et comme l'a dit à juste Doc, la VF s'en sort pas trop mal sur ce coup-là.
La fin laisse un peu sur sa faim, j'aurais pensé qu'elle serait un peu plus développée, mais c'est convenable au final.
Qu'en penser au final? A voir ou pas? Moui, quand même. Mais je recommande aussi Public Enemy qui était pas mal du tout dans son genre."
Hanoko, le 27/10/06
Voir aussi No Mercy
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