Vann Nath : Le peintre des Khmers rouges

Avis

Les œuvres présentant le témoignage de rescapés de dictatures ayant subi des tortures sont forcément poignants, mais peut-être un peu la formule gagnante pour accrocher le public. Que va nous apporter ce nouvel ouvrage d'un point de vue scénaristique et historique ?

Vann Nath : Le peintre des Khmers rouges nous présente le schéma classique d’un innocent qui se retrouve enfermé à tort en prison et va découvrir l’horreur qui s’y trame. Les violences, les tortures physiques et psychologiques, à petit feu ou très brutales, les exécutions cruelles… la BD nous donne un aperçu de l’enfer que les occupants de cette prison vivaient.

Le scenario met parfaitement en lumière l’absurdité de telles atrocités, étant donné que le héros, tout comme d’autres, a été arrêté sans même connaître la raison, pour un chef d’accusation quasiment inexistant. Et les tortionnaires semblent aussi sans dessein, agissant par pur engrenage du système.

Le livre veut apporter un autre témoignage en devoir de mémoire et afin que plus jamais de telles horreurs ne se reproduise. Il joue principalement sur l’affect, mais il manque d’explications politiques pour comprendre ce qui a amené à un tel régime, clef essentielle pour savoir comment des pays peuvent en arriver à de telles extrémités. Je me souviens avoir épluché tout l’article Wikipédia dédié aux Khmers Rouges il y a quelques années et la période s’avérait d’une grande complexité, cruciales à aborder sous toutes ses formes.

Toutefois, l’autre véritable atout de cette histoire demeure le choix du héros Vann Nath à l’effigie du peintre éponyme qui a réellement existé et vécu cette période historique. C’est un beau coup de projecteur permettant de découvrir cet artiste — bien que l’on ne nous livre presque aucun détail de sa vie d’avant son enfermement — avec à la fin quelques aperçus de tableaux qu’il a peints. Je me demande d’ailleurs ce qui a motivé ce duo d’auteurs italiens de BD à se dédier à ce peintre. Appréciaient-ils simplement l’artiste ou bien ont-ils des liens avec le Cambodge ?

La patte graphique est assez marquante. Les pages, presque dénuées de couleurs, arborent un aspect très vaporeux avec ses fonds blancs, ses formes à la fois troubles et très dures marquées par des traits incisifs et charbonneux. Les personnages semblent dans un brouillard hors de la réalité, tant les épreuves qu’ils traversent dépassent l’entendement. Les visages sont étranges, souvent très sommaires et assez peu expressifs. Volonté ou défaut, ils s’effacent cependant et laissent place à l’ambiance de chaque case qui suffit à retranscrire la morosité et le désarroi des personnages.

Cette œuvre vient s’ajouter à la famille des témoignages de rescapés d’événements historiques et politiques tragiques. Peut-être un peu lacunaire, effleurant de la surface beaucoup de sujets, il n’en demeure pas moins un bel hommage au peintre Vann Nath.
Pour poursuivre sur le sujet, le documentaire S21, la machine de mort Khmère rouge est tout indiqué. Dans la même veine, je vous conseille également des manhwa de PARK Kun-Woong tels que Mémoires d’un frêne et Traité comme une bête.

Hanoko, le 14/11/2020