Naoto, le gardien de Fukushima
Japon, 11 mars 2011. Un tsunami cause la fusion du cœur de trois réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima. Cette catastrophe force l’évacuation de tous les habitants de la région. Cependant, Matsumura Naoto, l’un d’entre eux, ne peut se résoudre à abandonner la ferme où sa famille vit depuis cinq générations. Il retourne chez lui à Tomioka, en pleine zone interdite et sauve tous les animaux qu’il pourra.
Avis
L’humanité ne cesse de jouer avec le feu, croyant toujours tout maîtriser. La nature a beau venir nous faire des piqûres de rappel, la leçon n’est jamais apprise. Alors que déjà dix ans se sont écoulés depuis la catastrophe de Fukushima, arrive cette bande-dessinée, qui nous remet en mémoire ce drame.
Elle se dédie à celui devenu un symbole de la lutte contre les programmes nucléaires, connu comme l’homme le plus irradié du monde et qui continue toujours de s’occuper des animaux d’élevage survivants qui ne peuvent pas se débrouiller seuls.
Nous suivons le point de vue d’un fermier sans histoires, qui ne demandait qu’à vivre tranquillement avec sa famille. Quand se produisent les séismes et le tsunami engendrant la fusion nucléaire de la centrale, il doit au début quitter les lieux comme tout le monde. Mais voyant le traitement accordé aux réfugiés, il décide de retourner dans sa ville natale pour s’occuper de tous les oubliés : les animaux.
Bizarrement, j’ai assez peu lu de mangas traitant de cette catastrophe (ou bien peu nous sont parvenus) qui a bouleversé définitivement le pays. On peut citer Japon, 1 an après [8 regards sur le drame], à l’initiative de Kazé (maison d’édition française), Daisy, lycéennes à Fukushima que j’envisage de lire un jour, ou de manière moins directe éventuellement Coppelion, mais peu d’autres me viennent en tête. En consultant sur ce blog des propos recueillis de Naoto, le gouvernement interdit de dénoncer ouvertement la politique, en particulier la gestion de cette crise, d’où j’imagine un musellement aussi des mangakas. Cette bande-dessinée à l’initiative d’auteurs français vient donc redonner de la visibilité à cette cause. En outre, l'homme dénonce également les mensonges de Tepco, société en charge de la centrale, qui a toujours menti quant à l'infaillibilité de ses installations.
La BD réussit sans peine à capter notre attention, tant le sujet demeure fort. On perçoit une grande sensibilité et humilité dans la retranscription de ces événements. Ce n’est pas tant la catastrophe durant son déroulement qui va nous marquer — les quelques pages montrant le tsunami ne seront d’ailleurs pas très impressionnantes — mais bien davantage toutes ses conséquences, d’une gravité sans précédent dans le pays. Le style de dessin très doux et mignon pourra surprendre au début, mais il prend tout son sens lorsque sont décrits métaphoriquement, via des contes, les secousses et autres phénomènes qui surviennent au cours du scenario. Le dessinateur étant un habitué des histoires pour enfants au vu de ses autres parutions, la patte graphique colle parfaitement et les dessins sont très beaux. D’ailleurs c’est en cela que j’ai précisé dans les info techniques "fantastique", car la frontière entre le réel et l’imaginaire tend à se mêler vers la fin et nous laisse libre d’interpréter que c’est ce n'est pas aussi une partie du folklore qui subit les effets de cette tragédie.
Cela dit, la deuxième moitié de la BD se révèlera largement plus éprouvante quand on voit l’ampleur du désastre sur les animaux abandonnés. Le second message de cette BD semble également la défense de la cause animale, révélant l’horreur du système dans lequel on vit, où tous les animaux demeurent les premiers sacrifiés. La lecture de cette partie a été rude, j’espère qu’elle saura aussi toucher les lecteurs. Cependant, Naoto reste un personnage apportant de l’espoir qu’on aurait envie de qualifier d’héroïque, mais qui devrait être la norme. J’ai cherché sur la toile des articles qui informeraient de l’évolution de la santé de cet homme, mais les articles les plus récents semblent dater d’il y a plusieurs années déjà.
Alors que le nucléaire continue de faire couler de l’encre en France, demeurant l’un des plus grands dilemmes de l’économie, cette bande-dessinée vient aussi nous (re) faire comprendre que nous jouons avec une épée de Damoclès. Matsumura Naoto s'était d'ailleurs rendu en France quelques années après Fukushima pour sensibiliser au sujet à travers le pays. Un hommage émouvant et qui redonne à réfléchir sur toute la société elle-même, en plus de son rapport à la nature.
Hanoko, le 06/03/2021
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