Hanoko – Mercredi 17 juillet 2019, à 15:02

Conférence de Yû Suzuki [Japan Expo 2019]

Japan Expo a connu comme chaque année son lot d’invités. Pour 2019; la thématique est beaucoup à la nostalgie avec beaucoup d’invités liés aux Tokusatsu. Mais ici, partons pour les jeux vidéo avec Yû Suzuki, concepteur à l’origine de plusieurs jeux qui ont marqué les l’histoire vidéoludique comme les divers Virtua et les Shenmue. À titre personnel, je ne suis pas très familière de ces séries, mais j’étais quand même fort curieuse de découvrir cette personnalité qui a initié des sagas de jeux emblématiques.

 

 

Le samedi, il a donné une traditionnelle conférence avec seulement des questions de l’équipe Japan Expo et de deux développeurs de jeu qui a démarré par une vidéo montrant un kaléidoscope des jeux qu’on doit au Monsieur 

Dans son enfance, il jouait surtout au Legos, il fabriquait divers jouets comme des voitures et des vaisseaux, à l’image de ce qu’il aimait. Vivant à la campagne, il inventait ses propres jeux avec ses amis, par exemple : fabriquer chacun des boules de terre et voir laquelle tiendrait le plus longtemps. Lui s’était habitué à étudier différents types de terre pour les combiner et les rendre plus solides, notamment avec l’argile.

Il était aussi passionné de construction de maquettes à monter. Il les réalisait sans suivre la notice et ajoutait des éléments au gré de ses envies (il achetait notamment des moteurs pour élaborer des voitures), ce qui agaçait ses parents. Une fois pour leur faire plaisir, il a monté une maquette qu’ils lui avaient achetée en suivant le modèle et, après l’avoir montrée à ses parents pour leur faire plaisir, il a tout défait.

Ses parents étaient tous deux instituteurs et sa mère jouait du piano, mais Yû Suzuki détestait la musique classique et préférait le rock. Il disposait seulement d’une guitare sèche qu’il a modifiée elle-même pour la brancher à un ampli. Ses parents étaient alors contre la guitare électrique qui faisait voyou à leurs yeux.

Aimant beaucoup s’adonner à ses loisirs, il aspirait à un métier qui lui permettrait de garder du temps libre. Il a d’abord considéré l’enseignement pour bénéficier des vacances, avant de penser à dentiste, un travail en indépendant où il est possible d’organiser son temps. Au final, s’il a intégré Sega comme société de jeux, c’est car ils garantissaient deux jours de repos par semaine. Il avait postulé au poste de programmeur sans savoir à l’origine en quoi cela consistait. À la campagne, les mots à sonorité anglophone (comme "Illustrator") faisaient très branché. Il associait "pro" à "professionnal" et "grammeur" lui faisait penser à "glamour", il pensait donc devenir un pro du glamour ^^

Au cours de sa carrière, sa touche personnelle transparaît par sa méthode de travail. Avant de commencer à concevoir un jeu vidéo, il effectue un travail de recherche approfondie. Par exemple pour ses jeux de course, il s’intéressait à tous les détails de mécaniques et de technique de course pour savoir comment il allait rendre ça en jeu. Dans le cas d’After Burner il s’est notamment attelé à étudier la vitesse de freinage des avions, le nombre de missiles possible à lancer, l’ampleur des effets de mirages… C’est donc de la réalité technique qui lui permet de tirer l’essence de l’activité qu’il retranscrit en jeu.

Petit laïus sur le jeu Space Harrier : Steve Lycett de Sumo Digital, lui demanda par question vidéo s’il avait un projet de suite. Chose qu’il apprécierait, il aurait des idées mais il ne peut en parler pour le moment.

Pour illustrer sa démarche, on s’attarda sur l’exemple d’Out Run. Il devait à l’origine s’inspirer du Cannonball (raid automobile aux États-Unis) mais finalement, il fit un voyage en Europe pour puiser son inspiration. Il passe deux semaines dans le sud de la France. Pour l’anecdote, quand il allait au restaurant, il demandait le menu de la maison, on lui apportait directement des plats au lieu du menu, il comprit plus tard qu’il demandait le plat du jour au lieu du menu. Il corrigea les fois suivantes et demanda effectivement la carte, mais comme il ne comprenait rien à ce qui était écrit, il choisissait au hasard et s’est retrouvé une fois à devoir manger quatre soupes, assez conséquentes. C’est après cela qu’il comprit qu’il fallait prendre quelque chose dans les différentes rubriques pour varier.

Puis deuxième question vidéo, de la part Suda 51 de Grasshopper Manufacture à l'attention de Yû Suzuki : comment imaginerait-il une suite potentielle de Virtua Racing. À nouveau, il devrait effectuer de nouvelles recherches pour puiser son inspiration et aimerait faire par exemple les 24h du Mans (il doit coûter cher le monsieur pour ses recherches, mais après tout tant que le résultat est là, ça en vaut la chandelle  ). Un concept auquel il a pensé serait de créer un jeu en ligne de course prenant en compte les embouteillages, grâce à une simulation de rallye en ligne, en captant les données GPS de divers pays. Le but serait de relier un point A à un point B à travers plusieurs pays le plus rapidement possible en devant prendre en compte l’état du trafic routier. Les voies empruntées changeraient alors tout le temps, de manière imprévisible. Là, contrairement à un jeu classique de course où c’est le talent au volant qui prime, ce serait le plus malin à trouver des chemins alternatifs qui l’emporterait.

 

 

La suite de la conférence s’est portée ensuite l’un des jeux majeurs du créateur, les Shenmue, introduite par la diffusion d’un trailer du troisième opus à venir.

Pour cette saga aussi, tout passe d’abord par des phases de recherches sur le terrain. Pour le troisième jeu, il est parti à Hong-Kong en repérage, ce qui lui a aussi servi pour les jeux de combat Virtua Fighter. La première chose qu’il souhaitait découvrir demeuraient la manière de contrattaquer des pratiquants de Kung-fu. Il se rendit dans des temples de moines Shaolin où il put voir plusieurs écoles de kung-fu. Cependant, lui ne percevait pas de différences entre les maîtres qui exécutaient tous les mêmes esquives quand il simulait une attaque. Ces derniers lui répondirent que s’il attaquait lentement, ils n’avaient pas besoin de déployer de techniques particulières. Ils l’incitèrent à frapper sérieusement pour qu’ils réagissent vraiment. Des enfants vinrent les voir faire et crurent que Suzuki, un Japonais, venait défier les maîtres de kung-fu et s’enthousiasmaient à l’idée d’une démonstration de supériorité du kung-fu par rapport au karaté par exemple. Il en a pris plein la figure mais il garde un bon souvenir de son passage. Tout était filmé à l’aide de caméra à 100 images par seconde en vue de décomposer une technique nommée la mente religieuse, mais la vitesse du maître l’exécutant était telle que même cette caméra n’a pas pu capturer l’intégralité de son mouvement.

Le succès de Shenmue peut sans doute d’expliquer par le contrepied pris par rapport aux jeux d’arcade. Dans ceux-ci, il se révèle essentiel de proposer un maximum d’éléments dès les trois premières minutes de jeu pour accrocher le joueur. À l’époque, inclure de multiples thématiques dans un jeu se révélait proscrit, on se focalisait généralement sur une seule pour la développer à fond. Malgré les avertissements, Suzuki voulait faire ressortir l’aspect très diversifié de sa carrière et se sentant confiant pour tout mixer. Ainsi vit le jour le premier Shenmue, dont le développement a été quand même très compliqué.

Il avait prévu la scenario des Shenmue en onze épisodes, un jeu représentant un épisode. Cependant, au vu du rythme de sortie des jeux (note : le premier est sorti en 1999 et le troisième en novembre 2019), il a constaté qu’il serait probablement mort avant la fin et a restructuré l’histoire pour la compiler en moins de jeux.

Pour Shenmue III, il a mis l’accent sur l’importance de prendre son temps de jouer. Il a inclus d’innombrables possibilités qu’il faut découvrir progressivement, tel un voyage initiatique. Le jeu ne contient que très peu de tutoriels afin d’inciter à chercher soi-même les manières de jouer. Le jeu se savoure sur la longueur. Quand l’équipe de testeurs ont commencé le playcheck de Shenmue III, quelques-uns connaisseurs, d’autres non, mais chacun jouait à sa manière. Chaque partie reflétait la personnalité du joueur. Certains étaient radins, d’autres cravachait pour gagner sa croûte, d’autres allaient faire des parties de pêche ou au casino pour gagner de l’argent rapide. Certains apprenaient méthodiquement les techniquement au contraire d’autres qui les achetaient pour aller vite. Aucune partie jouée ne se ressemblait et s’il devait décrire Shenmue III en une phrase, elle serait : « Shenmue III est le miroir de vous-même ».

 

La séance s’est terminée sur la révélation de nouvelles screenshots du jeu:

 

Et des croquis datant de 1995 concernant l’élaboration de Ryo, le héros du premier Shenmue. Initialement, Akira, le personnage principal des Virtua Fighter devait être le héros de Shenmue mais il a opté finalement pour un autre personnage plus doux. Ainsi, les premières esquisses montraient un style plus badass avant d'évoluer vers une personnalité plus posée.

Le dernier dessin est celui qui a déterminé l'orientation voulue pour le héros

 

Le mot de la fin : des remerciements pour le soutien de tous les fans!

Malheureusement, il n’y a pas eu de questions du public comme à l’accoûtumée et l’heure allouée à cette Masterclass a filé à vitesse grand V! Ce fut un chouette moment à la fois très drôle et intéressant. Mention spéciale à la qualité du traducteur (ce n’est pas toujours acquis lors de conférences même à Japan Expo…) et pour ceux qui souhaiteraient voir/revoir la conférence, Koch Media France, l’organisme qui a coordonné l’événement a mis à disposition la rediffusion live (que j'ai intégrée ici à l'instant où démarre la conférence):

 

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