RWBY

RWBY est une série d’animation atypique : en 3D, américaine, mais avec un look nettement japonisant. Malgré des graphismes un peu rudes au début, elle est assez intéressante pour son univers et son histoire, même si celle-ci finit par pâtir quelque peu, à mesure que la série devient, en revanche, assez impressionnante visuellement.

Parlons d’abord du plus marquant et étonnant : l’aspect visuel. RWBY est une série d’animation en cel shading avec une esthétique manga/animé, visuellement proche de la série vidéoludique des Tales Of. Si les graphismes ne sont pas de très grande qualité au début (mis à part les modèles des personnages principaux), ils s’améliorent rapidement. La saison 2 est correcte, et la 3e présente des personnages, même secondaires, très diversifiés, et les décors passent du niveau Gamecube au niveau PS3. Sur les saisons 6 et 7, les arbres sont modélisés feuille par feuille, et l’animation de la saison 8 semble par instants faite en vraie 2D. Qui plus est, dès la première saison, la série sait profiter du gros avantage de la 3D, la mise en scène, pour offrir des chorégraphies de combat spectaculaires.

Un des grandes forces de RWBY est son univers, très détaillé et profond. Le monde de Remnant a atteint un niveau de technologie similaire aux nôtre, mais en se basant sur la « Poussière », des cristaux chargés d’énergie élémentaire. De plus, il est menacé par les Grimms, des monstres attirés par les émotions négatives qui ont eu un impact très important sur la société : ils ne sont contenus à des Chasseurs, mercenaires hautement spécialisés. De ce fait, aucun pays ne put se développer très loin de sa capitale, laissant la place à de vastes étendues sauvages, parsemées de villages çà et là. En outre, cela oblige les dirigeants à ménager en permanence les émotions de leurs administrés pour éviter panique, colère ou désespoir, ce qui pèse lourd sur beaucoup de décisions, y compris durant le cours de la série elle-même. Cette prédominance des Chasseurs donne un pouvoir conséquent aux directeurs de leurs académies, qui sont pratiquement des états dans l’état (ce qui est particulièrement exploré dans la saison 7, plus orientée politique). Et pour pimenter le tout, l’univers compte des hommes-animaux, les Faunus, qui furent parfois réduits en esclavage et sont encore victimes de racisme, ce qui entraîna la naissance de mouvement de lutte d’émancipation plus ou moins violents. On a donc un univers assez robuste, dont les particularités sont explorées dans leurs diverses conséquences, et qui concilie de manière assez justifiée le côté mystérieux d’un univers de fantasy classique avec une technologie contemporaine.

Je dis fantasy, mais, plus précisément, l’ambiance est au merveilleux, avec de nombreuses inspirations et références aux contes de fées : les monstres s’appellent les Grimms (jeu de mots avec l’anglais « grim », « effrayant », mais la référence aux frères Grimm est claire), Ruby s’habille avec un chaperon rouge, les paroles des génériques parlent souvent de contes de fées, et certains mystères de l’univers se rapprochent de certains contes, et son parfois rapportés comme tels. A côté de tout ceci, on a des éléments plus classiquement « manga », comme les cristaux élémentaires magiques (la « Poussière », ou des pouvoirs personnels propres à chacun (les « Semblances »). Tout ceci est évoqué rapidement, de façon assez prometteuse au début, mais l’intérêt d’un tel univers est avant tout visuel, la plupart du temps, et les graphismes ne me semblaient pas forcément capables de tenir cette promesse. Heureusement, leur amélioration progressive permet de nous offrir des paysages et des architectures majestueux, même quand, plus tard, la série de rapproche du steampunk et de la SF. Certains points de mythologie sont illustrés par des séquences franchement magnifiques.

Venons-en au dernier point, l’intrigue et l’écriture, dont l’évolution est malheureusement inverse de celle des graphismes.

L’histoire se présente au début comme celle d’un shônen classique, avec un combattant doué mais un peu décalé cherchant à rejoindre une grande académie d’arts martiaux, pour devenir un grand guerrier (enfin une grande guerrière en l’occurrence. Ou plutôt une « guerrière de taille dans la moyenne basse »), avec, au début, une ambiance scolaire, et même, grand classique, un tournoi d’arts martiaux. L’humour est celui des séries jeunesses américaines, en moins insistant et plus fin toutefois. C’est aussi le cas de certains thèmes, comme le harcèlement scolaire, plus rare ou au moins différemment traité dans les mangas (les épisodes en question semblent d’ailleurs absents de la version japonaise). Durant ce temps, on découvre de nouveaux aspects de l’univers, progressivement, mais c’est à la fin de la saison 3, qui conclut tout le premier arc de la série, que l’univers est réellement bouleversé – comme le fut celui de l’équipe d’animation, par le décès brutal en cours de route du créateur de la série, Monty Oum.

Si certains de ces développements sont un peu tarabiscotés, ils sont aussi très prenants et audacieux pour une série jeunesse, ce qui fait de cette saison, à mon avis, le point d’orgue de la série. La saison 4, un peu plus lente, prend le temps d’en traiter les multiples conséquences, notamment sur la psychologie des personnages. Elle forme un arc complet avec la saison 5 qui, bien que moins palpitant que le premier, profite de l’évolution des graphismes et de l’approfondissement de l’univers. Le thème du racisme envers les Faunus et de leur émancipation est exploré en fil rouge, et l’on a de belles surprises sur la fin. L’écriture de ces cinq premières saisons, globalement, est assez fine ; des thèmes sensibles, ainsi que les relations entre personnages, sont abordés avec délicatesse, et on évite agréablement pas mal de clichés et de lourdeurs des séries jeunesse (et pas seulement) américaines.

Malheureusement, tout ceci commence à se dégrader à partir de la saison 6. On voit arriver davantages d’incohérences, des méchants caricaturaux (ou revenir des méchants devenus insignifiants), les gags deviennent plus plats et moins intégrés à l’intrigue. Certaines relations construites patiemment semblent mises à la poubelle sans préavis, tandis que d’autres sortent de nulle part. Des personnages ambigus, moitié utiles, moitié peu fiables, deviennent d’un seul coup des loques inutiles par simple caprice. On se retrouve avec des poncifs US, genre les personnages qui passent leur temps à échanger excuses et culpabilité « c’est ma faute désolé -non c’est la mienne désolé ». Même le nouveau look des personnages, au début de la saison 7, m’a laissé de glace (et pas seulement parce qu’ils se retrouvent en pays froid), avec le paladin du groupe qui se retrouve avec une coupe de surfeur, par exemple. La saison 7 redresse un peu la barre, après une saison 6 assez vide (on y trouvera surtout un des plus gros morceaux de mythologie de la série, dans l’épisode 2 ainsi que quelques explications sur le pouvoir d’un personnage. C’est important, mais c’est peu), peut-être grâce à l’arrivée de nouveaux auteurs. Mais l’effet fait long feu. Personnellement, j’ai fini par lâcher l’affaire après un coup de théâtre particulièrement douteux au début de la saison 8, et j’avais déjà bien commencé à me désintéresser de l’univers et des personnages, devenus moins sympathiques. Je ne saurais trop l’expliquer, mais je ne suis visiblement pas le seul : depuis que je m’intéresse à cette série, je reçois plein de recommandations YouTube du genre « Pourquoi RWBY est décevante », ou « Pourquoi le revirement de XXXX [dans les dernières saisons] est illogique » etc.

Il y avait pourtant de quoi faire, et certains des derniers aspects de l’histoire restent intéressants. On se retrouve dans un pays qui serait comme les USA plongés dans un hiver perpétuel (et la nuit, pour l’une des villes, ce qui occasionne des effets de lumières somptueux), dans une ambiance de SF, et une intrigue très politique. C’est un peu éloigné de l’ambiance habituelle de la série, mais riche néanmoins. C’est donc plus dans la qualité de l’écriture, sa subtilité de tractopelle et certains choix douteux qu’il faut voir la cause des problèmes. Comme quoi le talent tient à peu de choses.

Ces problèmes tardifs ne doivent cependant pas jeter l’opprobre sur le début de la série, qui est malgré tout excellent. Elle vaut le coup jusqu’à la saison 5, avec le conte du début de la saison 6 pour compléter. Après, c’est un peu plus compliqué.

Chaton ubiquite, 7,3 saisons vues, le 05/04/21